Balla Moussa Keita. (Photo Vincent Fournier).

Les chroniques du Prince Mandingue

Par Balla Moussa Keita.

Savoir, Pouvoir, Avoir.  Voici les 3 OIRS  qu’on ne peut acquérir que par l’homme, la créature suprême de par sa forme verticale. Autant l’homme a besoin d’air et de nourriture, autant il a besoin de communiquer avec ses semblables, ce qu’on appelle la relation humaine. Il arrive que cette relation entre hommes ne soit pas toujours facile, souvent compliquée, avec des hauts et des bas, des moments de bonheurs fugaces et des déceptions qui ont engendré les plus beaux chefs d’œuvre littéraire comme «La nuit d’octobre» du poète Alfred de Musset découvrant sa compagne, George Sand, autre monstre sacré des belles lettres , dans les bras de son propre médecin.   « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître ».  

J’étais à Abidjan au milieu des années 90.  Notre pays avait perdu sa lampe. Houpheït le Bélier s’en était allé.    Dans ce bouillon tropical africain où l’on se définissait de plus en plus en Dioula, Baoulé ou Bété et de moins en moins en ivoirien, je reçus un appel de mon ami Orfeo me disant que c’était fini entre sa compagne Carla et lui. Et de rajouter qu’il fallait que je me prépare à le retrouver en Suisse, car la survie de notre entreprise en dépendait.
Le couple qui semblait être parfait avait du plomb dans l’aile.  Orfeo et Carla, comme tout couple ou toute relation humaine,  avait leurs problèmes. Il est arrivé par moment que le ton montât si fort que je me dis que cette fois ci c’était fini, mais que non. Ça se séparait, et ça reprenait. Mais tenez-vous bien, savez -vous ce qui les réconciliait ? C’était eur chien ! Cela doit vous paraître bizarre non ? Qu’un animal qui ne parle pas, créé, consolide la relation entre humains, êtres suprêmes, doués d’intelligence !

Le chien, un facteur de communication

 Oui en Occident, le chien est un facteur de communication. Vous pouvez passer des années et des années dans un immeuble, un quartier, souvent même dans la même entreprise, sans salutations, à plus forte raison échanges. Il vous arrive de par votre éducation à l’africaine de saluer chaque passant ou vos collègues de service  sans qu’on ne vous réponde. Si vous êtes comme moi, c’est à dire un homme qui aime provoquer, vous allez élever la voix en reprenant la salutation. Si vous avez la chance, la personne à qui vous vous adressez vous lancera un regard sans ouvrir sa bouche et continuera son chemin, parfois en pressant le pas,  sinon rien.
Par contre des personnes dans la rue ou des voisins qui possèdent des chiens finissent toujours par échanger. Ce son  les canins qui donnent l’alerte en aboyant dès qu’il y a rencontre, obligeant ainsi leurs maitres à marquer le pas.  Bientôt la discussion s’engageait entre les deux personnes sur le sexe, la race, la nourriture canine etc… Voilà comment le chien ou les animaux domestiques participent à la cohésion sociale.
Le chien de mes amis s’appelait  » Caféo  » nom composé par le préfixe de Carla et le suffixe de Orfeo.  C’est cet animal qui, à  plusieurs reprises,   est  intervenu positivement dans le couple, chaque fois qu’il y avait dissensions.  A  qui devrait revenir la garde de Caféo ? On dissertait sur le  le fait que le chien allait être malheureux. C’était leur bébé ! Ce chien était de tous les voyages et bénéficiait d’une attention particulière.

Dès qu’un problème survenait dans le couple, celui qui voulait se faire pardonner devenait plus tendre, plus attentionné, et il y avait vie, tout fleurissait !!! Ça vous paraît bizarre ? Mais c’est comme ça. Les animaux sont choyés, respectés et protégés au delà de la latitude 33 degrés Nord.  Il y a des boutiques qui leur sont dédiés, des rayons spéciaux  pour eux, pour leurs achats, ils mangent à leur faim. Ce ne sont pas les restes qu’on leur donne et ils peuvent se coucher dans les fauteuils, dans les lits, y laisser leurs poils… D’ailleurs pour votre information, vous qui aimez tuer les pigeons sous les tropiques, ici il ne faut surtout pas les toucher , ils sont en paix ….ils peuvent même souvent t’affronter  en venant picorer les grains dans ta matin, ou sur ta table, mais on les  touche pas. ….

Le voyage c’est l’école de la vie !!! Il arrive souvent qu’on me demande « quel est votre diplôme ? » Et je réponds : « J’ai beaucoup voyagé ».


Bref revenu à Moudon, mon ami m’informa que la rupture était définitive entre Carla et lui. Le tribunal avait tranché. Carla avait gagné son procès et n’était plus actionnaire de Decodimod. Quand l’amour et l’argent font le ménage. …
Après quelques jours à Moudon, nous avons reçu la visite de Mme Sylvie Géhant qu’Orfeo me présentera comme étant sa nouvelle compagne, et la future actionnaire. Nous sommes allés à Lausanne chez Maitre Petit, l’avocat, pour formaliser la rentrée de la nouvelle actionnaire. 
Rentrés d’une de nos tournées d’Italie, je m’étais proposé le lendemain de bonne heure d’aller passer tout une journée dans la ville de Lausanne, pour mieux la visiter, et la connaître.  
A mon réveil le matin, notre voisin du bas, qui était aussi un italien, devais me déposer à Lausanne, sur les instructions d’Orfeo qui était empêché, car devant se rendre à Neuchâtel, une ville suisse.
Orlando, c’était le nom de mon voisin, il était aussi gentil que sa compagne, une suisse allemande qui s’appelait Sonia Guensh. Sonia était ma grande camarade, ma confidente, depuis le départ de Carla Novemta qui me défendait à chaque fois que certaines attitudes d’Orfeo l’a contrariaient vis à vis de moi…. Orlando me descendit tout juste à côté du lac Léman, dans cette belle ville de Lausanne. 
Lausanne est une ville sur le lac Léman, dans le canton francophone de Vaud en Suisse. Elle abrite le Comité International Olympique, ainsi que le Comité olympique et le parc olympique. A l’écart du lac, la vieille ville bâillonnée est constituée de rues médiévales bordées de boutiques et d’une cathédrale gothique du 12ème siècle, à la façade richement ornée. Lausanne constitue la 4ème ville du pays en nombre d’habitants, après Zurich, Genève, et Bâle.
Le campus regroupe l’université de Lausanne ( UNIL ) et l’école polytechnique fédérale de Lausanne ( EPFL ). La ville héberge également des hautes écoles prestigieuses comme l’école hôtelière de Lausanne ( EHL), l’école cantonale d’art de Lausanne ( ECAL ), et l’international institute for Management Dévelopment ( MID ). La ville porte le titre officiel de « Capitale
olympique du sport ».
En me promenant dans la ville, J’ai rencontré beaucoup d’africains que je taquinais à souhait, parce qu’ils ne disaient pas bonjour; c’était devenu mon jeu et c’était aussi la meilleure façon de me faire des amis.
– Bonjour monsieur, J’ai remarqué que vous ne saluez pas ici, c’est pas africain ça ? Disais-je 
– Bonjour, Monsieur, excusez-moi , vous avez raison, me répondaient mes interlocuteurs.
Et la conversation s’engageait. De quelle Afrique es-tu ? Depuis quand êtes vous ici ? Dans quoi travaillez vous ? Etc…
Au bout d’une heure de marche, aucun ivoirien parmi les africains rencontrés. Aussi je commençais à prendre froid. C’est ainsi que je me résolu à boire un petit café pour me réchauffer. Avant de rentrer dans un café, par réflexe, je mis ma main dans ma poche, et à ma grande surprise mon portefeuille ne s’y trouvait pas. Mon portefeuille était resté dans la poche de ma veste que J’ai enlevé hier soir en rentrant de l’Italie. Que faire? Les portables n’avaient pas encore fait leur apparition, je ne pouvais retourner à Moudon, c’est seulement à 18h qu’il était convenu de venir me chercher. Le lieu de rencontre, hôtel Movenpick, là où travaillait la financée du fils à Orfeo ; Andrea Galesso 
Il est 10h du matin, pas d’argent, il fait froid parce que j’avais oublié aussi mon manteau pour me couvrir . Que faire ? Comment tenir jusqu’à 18 h ? J’ai aussitôt pensé à ma mère, celle qui a toujours œuvré pour l’ l’enfant d’autrui et qui m’a toujours dit ceci : « mon fils, chaque fois que tu te retrouveras dans une situation difficiles et inextricable, mets ta foi en Dieu, et tu trouveras la solution. Dieu t’épargnera la honte car moi ta maman n’a fait que du bien pour les autres…. »

En pensant à ces mots de ma mère, je fus requinqué et continuai à marcher dans Lausanne. 15 â 20 mn de marche plus tard, me voici en face d’un autre africain que j’allais encore gentiment agresser. Il s’excusa avec le sourire, me dit qu’il était originaire de la république des Îles du Cap Vert. Je lui parlais alors de mes différents voyages au Cap Vert, des 8 îles que J’ai visité sur les 10, des plats épicés et de la Founana etc.

Heureux d’entendre ce que je disais de son pays, il me proposa de prendre un café avec lui, ce que je ne pouvais refuser ! Nous échangeons pendant une trentaine de minutes, un moment de partage heureux, ça faisait 15 ans qu’il n’était pas retourné chez lui. Il était de l’ile de Sal, de la ville de Santa Maria. Sal est l’ile la plus plate, qui possède l’aéroport des gros avions qui font la navette entre l’Amérique du Nord et l’Afrique du Sud. A la fin de notre entrevue, je lui dis que depuis ce matin, J’ai pas vu un seul ivoirien, et il me répondit ceci : << je vous donne l’adresse de la place St François, là-bas il y a un ivoirien qui a un restaurant, et il est en même temps le patron du Mac Do de Vevey … >> je le remercia pour le café qu’il venait de m’offrir, car il vallait son pesant d’or.

Après avoir dit au revoir à Octavio le capverdien, j’ai continué ma promenade, en avançant vers le centre ville, non sans visiter l’horlogerie animée de la place Palud, Le lac Léman, le musée olympique, la cathédrale de Lausanne …
Le centre ville est bâti sur 3 collines: la Cité, le Bourg et St Laurent, reliées entre elles principalement par le grand pont et le pont Bessière. Cette morphologie s’explique par la présence de plusieurs cours d’eau ayant façonné les vallées et les collines du centre-ville.. En effet 16 rivières coulent sur le territoire de Lausanne. Toute ces explications pour vous dire que la marche à pied à Lausanne n’est pas de tout repos. Que de montées !
Enfin, je suis sur la place St François, et je suis pressé de voir ce restaurant appartenant à un ivoirien, mon compatriote. La place est grande et sert aussi de gare avec tout ce qu’on voit comme bus. Au bout de 10mn, me voici dans le soit disant restaurant mais j’hésitai un instant, ne voyant aucun africain derrière le comptoir.
– Bonjour Messieurs et dames dis-je finalement !
– Bonjour me répondirent les 4 personnes de derrière le comptoir. 
– Que pouvons-nous faire pour vous cher monsieur me répondit un blond avec sa queue de cheval ?
– Est-ce ici le restaurant ivoirien ?
– Oui monsieur !
– Puis-je voir le gérant ?
– Non monsieur, il n’est la que les soirs. La journée il travaille dans la ville de Vevey, où il gère un MacDo.

A l’instant où j’allais être envahi par la déception et la tristesse, il y eut une voix qui résonna dans mon dos, au moment même où j’allais dire au revoir.
– Que veut le monsieur ?

C’était une dame, d’une très grande classe, élancée avec un beau sourire. Une marocaine.   Elle rentra dans le restaurant mais en s’arrêtant au milieu de la porte d’entrée, comme si elle voulait me dire, ne sortez pas. Bloqué en face d’elle, je lui répondis que je suis un ivoirien en visite à Lausanne, qui souhaitait voir son compatriote. 
– Je suis son épouse, que puis-je vous offrir ?
– Rien madame, je reviendrais prochainement quand votre mari sera là.
– Non monsieur, j’insiste. Vous devez prendre quelque chose. J’ai été chez vous et vous êtes très accueillant comme peuple. Donc s’il vous plait, ne partez pas sans prendre quelque chose, ne me faites-pas cette injure.

Face à cette insistance, je fini par mettre de côté ma pudeur et finalement j’acceptais l’invitation.
– Que voulez-vous prendre ?
– quelque chose de chez moi!
– C’est-à-dire ?
– Un café, le premier produit de mon pays, lui repondis-je !
– Servez un café à monsieur, ordonna t-elle.
Je dégustai avec plaisir mon café, après avoir bu d’un trait un verre d’eau. Les montées et les descentes des collines de Lausanne avaient eu raison de moi. Sentant que j’avais bien récupéré, je remerciai la patronne et décidai de prendre congé d’elle. Au même moment, elle me demanda, quelle heure avez -vous ? Surpris, je lui répondis: midi et demi!
– Dites-moi, est-ce qu’en Côte d’Ivoire, quand il est l’heure de manger, vous laissez les étrangers partir sans partager le repas ?

J’ai pas eu le temps de lui répondre qu’elle rajouta: « partout où je suis allée chez vous, on m’a donné à manger. Donc il n’est pas question que vous partez d’ici sans manger. Vous avez bu quelque chose de chez vous, c’est à dire du café, maintenant c’est à mon tour de vous offrir quelque chose de chez moi. Asseyez vous à table s’il vous plaît » Qu’elle générosité de la part d’une inconnue ! J’ai pas eu le temps de placer un mot. Je m’assis à la table qu’elle m’indiqua.
Au bout de dix minutes, je vois venir vers moi le serveur avec un plateau sur lequelil y avait un gros gigot d’agneau, un grand bol de couscous et sa soupe de légumes. La patronne qui avait précédé le serveur à ma table me dit : voilà la chose de chez moi, le couscous, bon appétit.

A l’instant, une fois de plus, j’ai pensé à ce que ma mère chérie m’a toujours dit: « dans les difficultés, tu t’en sortiras, il y aura toujours quelqu’un pour te venir en aide, au secours » . Mes yeux étaient embués, J’ai senti mes larmes couler. La dame ayant constaté que j’étais ému s’approcha de moi et me consola, en me disant sans me connaître, que je méritais ce geste, avec d’autres mots très attendrissants. Et rajouta : « je vous laisse manger, le temps de faire un tour chez moi pour raccompagner cette nounou que j’étais allée chercher à l’aéroport, elle vient d’Afrique. A tout à l’heure ». Et elle prit congé de moi.
Me voici en train de manger comme un pacha. Moi qui était sorti sans le sou. Les voies du Seigneur sont insondables. Je serais sorti avec mon portefeuille que je n’allais pas aussi bien manger et cher. J’allais peut-être me contenter d’un sandwich ou en tout les cas d’un plat moins cher.
Je venais encore de tisser une relation sans le sou en poche.
Des que J’ai fini de manger, le garçon me servit un autre café, comme quoi, madame avait laissé la consigne. Qu’elle hospitalité ! A peine j’allais terminer mon café, la voilà qui arrivé avec le dernier numéro de Jeune Afrique. En couverture du journal, Alassane Ouattara dont la candidature venait d’être refusée pour « nationalité douteuse ». C’était un jour d’octobre 1995.
Que je suis chanceux ! J’étais aux anges, je ne savais pas comment remercier cette dame au grand coeur. Je lui ai dit au revoir avec la promesse de revenir la voir ainsi que son époux. 
Il était 15h quand je quittais le restaurant Africain pour continuer ma visite et j’étais à mon lieu de ralliement à 17h30. A l’hôtel Movenpick. 
Quand Fabienne la fiancée du fils d’Orfeo m’apperçut à travers la vitre depuis la réception de l’hôtel, elle accourut vers moi, affolée : « comment vas tu Balla-Moussa ? Depuis ce matin, Orfeo ne fait qu’appeler, plus de 10 fois, il s’inquiète pour toi, il paraît que tu es sorti sans ton portefeuille et tes papiers, il se demandait comment tu allais manger, ou te déplacer au cas où tu aurais besoin d’emprunter un bus… Sa grande inquiétude, c’est si tu te faisais arrêter pendant un contrôle de routine, parce que sache qu’en Suisse, il y a un minimum d’argent que tu dois avoir sur toi, sinon tu es arrêté pour vagabondage. … ».

Je lui expliquai tout ce qui m’était arrivé mais elle n’y croyait pas. Elle me proposa à manger, je lui répétais que j’avais plus que bien mangé. Incrédule, elle me servit un café en attendant qu’on vienne me chercher pour retourner à Moudon. A 18h 10, au lieu d’Orfeo, je vois Sonia Guensh, mon amie, franchir la porte de l’hôte avec le même l’affolement, et les mêmes questionnements. Comme Fabienne. Elle non plus ne crut pas à mon récit . Les deux reviennent à la charge, je leur dis que J’ai mangé à l’oeil, c’est à dire gratuitement. Elles me disent clairement que c’était impossible.

Ainsi va la vie sur cette planète, terre des hommes, où tout reste possible. La sagesse voudrait qu’on dise, je n’ai jamais vu, où je n’ai jamais entendu 
Personnellement je ne savais pas qu’il existait quelque part sur cette terre un endroit où ou on pouvait écoper d’une amande pour vagabondage, quand on n’a pas au moins 5 Francs Suisse … sur soi 
On est où là ?! Voila ce qu’on aurait dit à Abidjan 
Le monde, c’est la où on vit !

J’ai embarqué dans la voiture de Sonia pendant le parcours des 25km qui nous séparait de Moudon. C’était un interrogatoire.  Sonia voulait les moindres détails de ma journée à Lausanne sans le sou. Incrédule jusqu’au bout, nous voilà à Moudon après 30 minutes. A peine la voiture garée, que je fus assailli de questions, un vrai comité d’accueil m’attendait: Orfeo, Orlando, le compagnon de Sonia et deux de nos voisins. J’ai tout de suite compris de par la première question qu’ils étaient déjà informés de mon aventure, plutôt de mon  » mensonge « , pensaient-ils.  Pour eux,  il est impossible qu’un inconnu que tu ne connais ni d’Adam, ni d’Eve puisse te faire manger sans contrepartie. A beau m’expliquer, rien n’y fut. Pour eux,  je suis un bonimenteur, mon récit n’était  qu’affabulation. Quelle société ?!

A Verone c’était une histoire de taille 36 qui déclencha l’émeute. Ici, ce n’est  certes pas une émeute mais mon histoire avait fait le tour du  village. À chaque fois que je mettais le nez dehors, où que nous recevions de la visite, je devais raconter ma  » fable  » .

Face à l’incrédulité de mes amis et après mûres réflexions, j ‘ai compris qu’ils étaient victimes de leur environnement, de leur société. Un société où l’on se dit à peine bonjour, le voisin sait à peine qu’il y a quelqu’un en face de lui.  Ici l’individualisme est à son paroxysme. Dans cette société,  quand tu acceptes un pot d’un tiers, tu dois à ton tour, dans les  les minutes qui suivent,  offrir un pot pour la symétrie des formes si chère à la civilisation occidentale. Quand on t’invite à manger, tu ne dois pas venir les mains vides. Il faut à chaque fois une contrepartie, rien ne doit être gratuit.

 Moi qui aime les relations humaines, je puis vous dire que j’étais bien servi, car à Moudon mon histoire a fait florès , mais dans quel sens ? Quelques temps après, Je reçus la visite d’un grand ami, celui par qui j’avais découvert la Suisse. il s’appelle Michel Zumbach (une autre histoire histoire !…),  ancient  Directeur général de la société Zurich Assurance pendant 5 ans à Abidjan. Il fut bien reçu par mes amis, surtout par Sonia Guensh qui était Suisse Allemande  comme lui.

Durant nos échanges, mes amis n’ont pas manqué de raconter mon aventure de Lausanne. Et d’une façon ferme et calme, Michel Zumbach leur parla de la convivialité, de l’entraide de la société africaine. “Balla-Moussa ne vous à pas menti”, dit-il. Ce témoignage n’était pas suffisant aux yeux de mes amis.

 Revenant un jour de Genève après une journée très froide et fatigante, il était 20h, et il fallait dîner avant de rentrer à Moudon, mais où ? Nous étions à 15 minutes de Lausanne, et Orfeo me proposa ceci : “Et si on partait dîner chez ton compatriote qui t’a fait manger gratuitement ?…” Je m’attendais à tout sauf à ça. Je n’y avais pas pensé un seul instant, mais je me dis pourquoi pas. C’est une très bonne occasion de rendre encore la fable plus belle ! Un sentiment de joie m’envahit.

 – Très bonne idée, je suis d’accord avec toi, ainsi j’aurais l’occasion de les remercier d’avantage. En plus j’avais promis de repasser.

 – Si J’ai la confirmation que tu avais eu à manger gratuitement, j’offre à boire à tous, dit Orfeo.

 En rentrant au restaurant, nous apercevons un africain d’une haute silhouette derrière le comptoir et j’ai tout de suite deviné que c’était le patron, mon compatriote que je je n’avais pas vu la dernière fois. Arrivé à son niveau,  je le saluai et me presentai.

C’était la présentation la plus longue de ma vie, et à haute voix tellement je voulais prouver à mon ami Orfeo que je ne racontais pas de balivernes :

– Bonjour Monsieur, je suppose que vous êtes le maître des lieux ? Je m’appelle Balla-Moussa KEITA , ivoirien. La dernière fois votre épouse m’a offert à manger gratuitement du couscous avec un gros gigot, du café, avec le dernier numéro de Jeune Afrique. je suis venu vous dire merci, et transmettre mes hommages à Madame, elle vous a dignement représenté. Merci infiniment ! Maintenant je vous présente mon ami qui me reçois Ici, il s’appelle Orfeo Galesso ».

– Enchanté de faire votre connaissance, ma femme m’a parlé de votre passage, sauf qu’elle avait oublié de prendre votre numéro de téléphone, parce que je voulais vous inviter à mon tour pour faire connaissance avec vous. Merci d’être venu.

Le maître des céans s’appelait monsieur Beké.

 – Bonjour Monsieur Beké, comme Balla-Moussa vous l’a dit, je m’appelle Orfeo, je tenais à vous voir aussi. Pour  vous dire vrai, on ne l’a pas cru quand il nous a raconté qu’il avait gratuitement mangé dans le restaurant d’un de ses compatriotes. Que vous êtes incroyables vous les africains ! Quelle humanité ! Nous allons dîner Ici, aussi permettez que je vous offre à boire à vous et aux clients présents ici. C’est la promesse que J’ai faite à Balla Moussa si je découvrais qu’il disait vrai.

– Que puis-je vous offrir ?

 – Du Chivas dit le patron.

– Ok donnez une bouteille de chivas et 2 bouteilles de champagne pour les clients dit Orfeo.

 Nous fûmes rejoints par celle qui était à l’origine de cette belle histoire. La soirée fut longue et belle.  Le lendemain matin à Moudon, Orfeo s’était transformé en griot Mandingue pour rétablir la vérité partout où il pouvait et à qui il devait. Il La seule chose qui lui manquait c’était le tam-tam parleur. … La vérité avait changé de camp !!!

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