Balla Moussa Keita. (Photo Vincent Fournier).

Après une pause d’hivernage, le temps de laisser les pluies bienfaitrices arroser la savane et la forêt, voici la seconde saison des « Chroniques du prince Mandingue ». Balla Moussa Keita a visité la plupart des pays du continent africain. Les récits de voyage de ce globe-trotter, précieusement compilés dans ses carnets de route, restituent des photographies précises d’une certaine Afrique en mouvement. Cette chronique inaugurale donne un avant goût des villes et pays dont il sera question tout au long de l’année.


La décennie 90 fut pour moi pleine d’aventures et de découvertes. Belle époque si riche en 3 oirs; Savoir, Pouvoir, et Avoir, fondement de toutes les relations humaines. C’est par nos semblables et grâce à eux que nous acquérons la science, la richesse matérielle et l’autorité… J’ai eu pendant la décennie 90, l’opportunité et la chance d’être souvent au bon moment, à la bonne place. C’est ainsi que j’ai été témoin de pas mal d’événements qui ont plus ou moins marqué l’histoire de notre beau et riche continent, L’Afrique.

Pendant cette époque que je qualifierais de période phare de ma vie, j’étais employé à l’AAP ( Agence Africaine de Presse), qui éditait le Balafon, magazine de bord de la défunte compagnie Air Afrique, et le Guide des Hommes d’affaires d’Air Afrique qui couvrait 15 pays francophones. Je fus consultant chez l’agence  » Cible « , qui avait signé un contrat pour éditer un annuaire pour le commerce africain avec la CEA ( Communauté des États d’Afrique pour les Nations unies) dirigé par feu Adebayo Adededji, à Addis-Abeba. Cet annuaire devait se faire avec la collaboration de la Fédération Africaine des Chambres de Commerce ( 54 pays africains ).

Enfin, à la faveur de la création d’une agence de communication, la SAFCOM ( Société Africaine de Communication), dans laquelle j’ai pris une part active, en étant un des responsables, il était question, entre autres supports, d’éditer un annuaire pour les banques de Développement de l’Afrique. Pour la réalisation de cet annuaire, la SAFCOM devait avoir l’aval de l’AIAFD ( Association des Institutions Africaines de Développement), qui dépendait de la BAD ( Banque Africaine de Développement), et la signature du contrat devait se faire avec son Secrétaire général qui n’était autre que Magatte Wade, aujourd’hui maire de la ville de Mekhè, au Sénégal. Soit salué cher ami ! Ces différentes signatures de contrats, des postes occupés en Afrique et aussi pour avoir travaillé pour des magazines panafricains en Europe ont fait de moi un « petit commis voyageur  » comme feu Sékou Toure aimait qualifier ainsi feu Maurice Yameogo de la Haute Volta ( actuelle Burkina Faso), pendant sa guéguerre entre lui et Houohouet Boigny…

C’est fort de tous ces déplacements à travers l’Afrique que j’affirme, toute proportion gardée, que je connais mon continent, j’ai visité 37 sur 54 pays ! Ainsi j’ai été témoin des conférences nationales des deux Congo. D’abord à Brazzaville, quand au même moment l’Irak fût bombardé par les alliés… j’habitais un hôtel qui s’appelait « Olympique Palace », dirigé par un certain M Suzuni qui était Corse. C’est dans cet hôtel que je regardais à travers la télé, le déroulé de la conférence nationale, aussi le bombardement en direct de l’Irak en janvier 1991. A Kinshasa, j’ai logé a l’hôtel Diplomate. Pour ceux qui connaissent la capitale de l’ex-Zaïre, c’est face à GB ( Centre commercial de feu Mbemba Saolona, père de Jean-pierre Mbemba.)

Et c’est en plein conférence que va éclater une émeute…. l’affaire Bindo ( jeux d’argent)… sur laquelle il est question plus loin. L’année 1993 verra la naissance de mon fils et suivra au moment où je me trouvais à Praia, capitale des Îles du Cap vert, la mort de Félix Houphouët-Boigny, Président de la République de Côte d’Ivoire….
En 1994, je me trouve à Johannesburg quand devait se dérouler les premières élections multiraciales de l’Afrique du Sud. A l’hôtel Mariston où j’étais logé, situé dans le quartier de Joubert Park, j’ai fait la connaissance du grand trompettiste, chanteur et compositeur Hugh Massekela, ex mari de Mama Africa, j’ai nommé Feue Myriam Makeba. Hugh Massekela se trouvait dans cet hôtel avec tant d’autres célébrités et anonymes pour subir une formation dans le cadre des élections post Apartheid…mais dans la même année , cet espoir africain entrevu en Afrique du Sud a été douché par le génocide au Rwanda

Un atterrissage à Kinshasa

N’djli, l’aéroport international de Kinshasa. Notre vol y atterri enfin ! Après 5 heures de retard au départ d’Abidjan, et 3h30mn de temps dans le ciel, nous devons maintenant quitter l’appareil. Pour être déjà venu plus d’une fois à Kinshasa entre 1982 et 1986 quand je résidais à Pointe-Noire ( Congo Brazzaville), je m’étais déjà préparé à toutes les tracasseries que j’allais subir… A peine les pieds posé sur la piste d’atterrissage que les agents vous demandaient tout de suite vos documents de voyage ; ils attendaient les passagers en bas de l’échelle de l’avion, faute de toboggan. Chaque agent essayait d’avoir le maximum de passagers, pour obtenir un grand nombre de passeports… sauve qui peut, car il fallait faire vite pour aller faire la queue. Mais devant quel guichet ?
En fait, pour connaître le numéro du guichet devant lequel vous devez faire le rang, il fallait bien dévisager l’agent, ou peut-être retenir un indice le concernant ; couleur de chemise, ou port de lunettes etc… les formalités et la fouille des bagages nous prirent plus de 2heures de temps. De l’aéroport à Gombé, centre administratif et commercial, vous êtes tout suite hapé par la foule ! On a l’impression qu’on est à la sortie d’un match de football, ou qu’il y a émeute. Kinshasa est une mégalopole de plus 14 millions d’habitants. Avec son agglomération urbaine, c’est la 3ème ville la plus peuplée de l’Afrique, derrière le Caire et Lagos.

Après une heure de trajet, en sillonnant les artères de cette grouillante ville pour ne citer que les boulevards Lumumba et 30 juin, nous ( mon collègue et moi) voici à l’hôtel « Diplomate  » situé en face d’un célèbre centre commercial appartenant à l’homme d’affaires Jeannot Bemba Saolona…. Une fois installés et après un repos mérité, nous devrions prendre nos marques dans cette grande et séduisante ville. .. Le lundi qui a suivi notre arrivée était le jour où il fallait entrer en contact avec les autorités, en l’occurrence la chambre de commerce, l’institution qui devait mettre à notre disposition, les rudiments de notre mission ( l’annuaire du commerce africain). Mais ici on nous fait comprendre que la structure habilitée à nous guider dans notre mission n’est autre que l’ANEZA ( Agence Nationale des Entreprises du Zaïre) dont le président était le célébrissime homme d’affaires Jeannot Bemba Saolona, un des hommes forts du régime Mobutu. Il nous recevra une semaine après, donnant ordre à son Secrétaire général de préparer des lettres accréditives et un laissez-passer pour prospecter les entreprises de l’ANEZA susceptibles de souscrire dans l’annuaire du commerce africain, instrument pour favoriser le commerce inter-africain, sud-sud, tel était le but.
J’avoue que j’ai été impressionné par cet homme à la carrure imposante, qui dégageait une certaine assurance, surtout en parlant. Quelle aisance ! N’était-il pas en plus le beau père du Président Et dont un des fils, Zanga Mobutu, avait épousé une de ses filles ! Entre autres de ses créations, il nous parla avec fierté de Scibe airlift Zaïre, la première compagnie aérienne privée, et nous rassura que nous serons reçu par son fils, qui n’est autre que Jean Pierre Bemba, qui était cogérant…Je ne l’ai jamais vu, que de rendez-vous manqués. Notre mission en tant que telle n’a pas été facile à cause de la conférence nationale souveraine qui s’y tenait; on sentait des changements dans l’air. Comme pour ne rien arranger,  Bindo fut  son apparition !

Le jeu énigmatique du Bindo

Bindo, un jeu d’argent qui fonctionne à la pyramidale astuce de Ponzi. La mise était multipliée 2 fois en 45 jours. Par exemple, la personne qui déposait 10. 000 f chez Bindo recevait 20 000 f en 1mois et demi. Au début, il y avait une certaine méfiance, une sage prudence. L’on se disait que c’était trop beau pour être vrai. Sauf que, au bout d’un moment, les premiers qui avaient misé recevaient la somme promise. Et ce fut la frénésie ! La période était propice: situation économique difficile, chômage, salaire insuffisant… tout Kinshasa se mis à jouer. Les kinois se réveillaient très tôt pour aller miser leur  » fortune  » dans les succursales de Bindo, qui avait pignon sur rue dans tous les quartiers de la ville. A Matongé, fief des ressortissants ouest-africains, la fièvre s’était emparée de commerçants maliens, sénégalais, guinéens…. de fortes sommes sont misées. Pour certains, la magie, sinon le miracle, s’opérait. Vu que les autorités laissaient faire, surtout en pleine conférence nationale, certains ont pensé que c’était un coup monté par le Président Mobutu ( déverser l’argent de l’Etat ) pour reconquérir le peuple et trouver un moyen de mettre fin à cette conférence nationale qui n’était pas en sa faveur.
La rumeur publique sera renforcée quand le directeur de la Banque du Zaïre, qui a tenté de mettre fin à ce massacre financier, fut forcé de démissionner. Quand l’opposition voulut s’insurger contre l’immoralité du Bindo, elle fut taxée d’ennemi du peuple.

J’ai côtoyé des ouest-africains qui ont gagné beaucoup d’argent, mais vraiment beaucoup d’argent. Et comme ces commerçants étaient insatiables, par amour de l’argent facile, ils ont remisé tout leur gain, en oubliant l’adage africain qui dit que : «ne laisse pas le poisson attrapé par la main pour celui qui est sous ton pied». La mise continuait. Kinshasa jouait et jouait encore aux accents de la Rumba. Puis patatras ! de 45 jours, on passa à 60 jours, et l’impatience gagna la foule des parieurs qui marchèrent sur Matongé et ce fût l’émeute….les premiers à en pâtir furent les ouest-africains qui ont vu leurs boutiques et magasins cassés et pillés, Matongé étant leur quartier d’affaires. Des milliers de personnes perdirent leur économie tout entière.

La prison à Abidjan

En 1990, je faisais parti des milliers de personnes sur la place de l’indépendance a Dakar pour célébrer la victoire du Cameroun, que dis-je , de l’Afrique sur l’Agentine, le reste du monde; quelle foule ! Quelle fierté !… 1995, je m’apprêtais à quitter Lagos quand j’apprend que l’écrivain Ken Saro-Wiwa, militant écologique, défenseur du droit du peuple Ogoni est pendu … Une semaine après, me voici en Afrique du Sud, savourant encore sa coupe du monde de rugby remportée quelques mois auparavant, pour assister à l’élection Miss univers à Sun City !!! L’année 1996 verra la proclamation par Mandela de la nouvelle constitution sud-africaine …. Quelques mois après , c’était la fierté dans les rue de Accra où je me trouvais quand on appris l’élection de Koffi Annan à la tête des Nations Unies… 1997 fut la conquête du Maghreb dans son ensemble, surtout que je voulais voir la Libye du colonel Kadhafi. Et je puis vous dire que cela fût fait!…. Ma mémoire retient de l’année 1998, deux thèmes: le sport et la politique :

– concernant le sport, j’étais très content que ce soit le Burkina Faso, mon voisin, qui organisait la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) mais je n’ai pas pu m’y rendre. La finale fut remportée par l’Égypte. En revanche sans êtres présent à Paris à l’occasion de la coupe du monde France 98, c’est avec joie que j’ai clamé et prouvé ma “francité” (rires) , en sillonnant tous les restaurants, bars, et boîtes de nuit pour célébrer la victoire de la France, accompagné de mes amis marocains vivant en Côte d’Ivoire. Parmis ces amis, il y avait un certain Mohamed H’midouche , alors responsable Chargé de la coopération à la BAD, futur représentant résident en Égypte et au Sénégal, avec lequel je garde encore des liens… Salut cher ami !
Ah la politique ivoirienne ! C’était l’alliance entre le RDR de Alassane Ouattara et le FPI de Laurent Koudou Gbagbo; C’était le Front Républicain contre le PDCI de Henri Kinan Bédié. Le pays était en ébullition, marche sur marche. Nous étions galvanisés par le discours de feu Djeny Kobinan, grand tribun, qui enflammait la foule, en nous parlant des  » grenadiers voltigeurs… » situation qui fût de moi, pendant une courte période, pensionnaire de la MACA ( Maison d’arrêt d’Abidjan). Ce passage en prison m’appris beaucoup sur l’univers carcéral… Et 1999 a été clôturée hélas par le coup d’état…

De Nouakchott à Banjul

Avant ce passage case prison, toujours en cette année 1999, j’ai effectué un voyage à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, où j’ai compris pourquoi autochtones et étrangers, y compris les occidentaux, avaient tous une étoffe de tissu appelé « Haouli  » autour du cou qui, à première vue, conférait une certaine élégance. Loin d’être un accessoire de parade, le turban permet plutôt de se défendre contre les vents sable…

De Nouakchott, je me suis envolé pour Banjul ( anciennement appelé Bathurst jusqu’à 1973…), capitale de la Gambie ( Combi bolon )qui signifie en langue Mandingue  » l’affluent du fleuve Gambie « . Dans ce pays j’ai eu l’insigne honneur de faire la connaissance de la belle et majestueuse Binta KINTÉ, 80 ans, dernière descente de la famille KUNTA KINTÉE racontée dans le roman «Roots »de Alex Haley, porté après sur écran… J’ai visité aussi le villlage de Djoufouré devenu un lieu de pèlerinage pour les noirs américains. La mosquée construite par Louis Fafakhane, leader de Nation Of Islam, domine les lieux.

6 Commentaires

  1. Je suis très fière de votre parcours professionnel. QU’ALLAH facilite le reste et QU’IL veille sur nous tous amine amine amine barak’Allahoufikoum.

  2. Je suis très fière de votre parcours professionnel. QU’ALLAH facilite le reste et QU’IL veille sur nous tous amine amine amine barak’Allahoufikoum.

  3. Super ce voyage interafricain. C’était fantastique mais j’ai trop vite atterri. Au moment où je m’attendais à aller plus haut dans le ciel, je me suis réveillée un peu brutalement….
    J’attends la suite…

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